lundi 5 janvier 2015

Un billet doux quotidien


Je lis très peu les journaux. Je préfère regarder les infos à la Télé. Il y a tout de même des chroniques que j’apprécie énormément et l’une d’elles est le billet d’Alain Rémond dans le journal La Croix.

J’aime les jeux de mots intelligents, la spiritualité et l’humour. J’ai eu du mal à me décider, mais si je devais en publier un, je me suis dit que celui était de mise en ce moment:




 L’heure euse

J’ai déjà noté ici même l’extraordinaire fortune, en matière de création linguistique appliquée aux produits de beauté, des mots en « ance ». Exemple : « Merveillance », de la marque Nuxe. Eh bien, je me demande si nous ne sommes pas en train de vivre l’un de ces tournants majeurs qui marquent l’histoire des civilisations. La même marque Nuxe vient en effet de lancer un « sérum intensif anti-taches » (sur la peau, les taches, pas sur le linge) qui s’appelle, en tout simplicité, « Splendieuse ». Pourquoi « Splendieuse » ? Parce que « c’est la promesse d’une peau splendide et radieuse ». On voit bien que « splendieuse » est censé évoquer merveilleuse, lumineuse, délicieuse, bref : heureuse. Qui ne rêve, je vous le demande, d’une vie « splendieuse » ? C’en est donc fini de la « merveillance ». Et, avec elle, du règne du suffixe –ance. Nous voilà entrer dans l’ère de l’euse. Et à propos de Deleuze, justement, rappelons que, pour lui, la philosophie était « l’art d’inventer des concepts ». Avec l’invention de « splendieuse », saluons la beauteuse perfecteuse, non tacheuse et magnifiqueuse. Alleluieuse !
La Croix, mercredi 12 novembre 2014.

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